GALERIE FRANçOIS fONTAINe
Albertine ZULLO
Gouache
Née en 1967.
Vit et travaille à Genève.
Albertine dessine. Depuis toujours.
Il plairait à beaucoup sans doute de saisir ce premier geste, sans doute effectué avec inconscience et sans autre instrument que celui de la sensibilité : sa première tentative de restituer ainsi un peu du monde qu’elle découvrait et peut-être déchiffrait déjà. Mais il est hélas bien sûr impossible de remonter jusqu’à l’origine, de retrouver ce point initial, le départ de son trait, ce fil limpide, le plus souvent aujourd’hui tracé au Rotring, fragile, même quand parfois un crayon gras, une plume ou un pinceau prennent parfois le relais. Fragile, parce que le trait reste constamment suspendu, comme en équilibre, très loin au-dessus du vide constitué par le support papier. Albertine ne trébuche jamais. Il émane de son geste, précis, délicat et léger, comme un indicible sentiment d’évidence.
Cette apparente facilité ne doit cependant pas occulter la lente et fascinante métamorphose qu’Albertine fait subir à son trait. Si celui-ci représente une véritable condition, à laquelle elle ne peut en aucun échapper, se serait par ailleurs comme renoncer à sa propre identité, son trait n’en reste pas pour autant figé. Vous ne trouverez pas en effet chez Albertine la trace d’une maturité effective ; quand celle-ci paraît avoir été atteinte, l’artiste trouvera aussitôt le chemin d’une nouvelle phase. Son trait évolue continuellement, mariant son sujet présent ou s’adaptant à l’exploration d’une prochaine thématique. Il n’existe ni cassure ni révolution, l’expérience du trait se poursuit, de manière innée, indissociable du parcours de vie. Chaque nouveau dessin ne ressemble ainsi jamais aux précédents, mais il s’efforce cependant de tous les contenir.
Si son trait peut facilement se reconnaître, ne serait-ce que par son omniprésence, on aura peut-être plus de difficulté à faire de même avec ses couleurs. Il s’agit pourtant bien de ses couleurs. Albertine les choisit et les assemble avec une extrême minutie. Plutôt chaudes et mats, que froides et brillantes, elles sont le plus souvent composées à la gouache ou aux crayons, même si parfois, et selon les nécessités d’un travail donné, l’encre aquarelle ou la palette numérique peuvent être également employées. Les couleurs d’Albertine se distinguent encore de son trait par le fait qu’elles ont été acquises lors de ses études à l’École des arts visuels de Genève, notamment lors de sa pratique de la sérigraphie : études des tonalités, sélections, apprentissage des mélanges, recherche du juste équilibre pour traduire une atmosphère ou un sentiment.
Trait et couleurs constituent ainsi les outils d’une véritable écriture. Albertine est auteure. Le moindre dessin raconte une histoire. Une même histoire peut aussi se décliner en plusieurs versions ou volets à l’occasion d’une exposition. Et quand il s’agit d’illustrations, celles-ci font bien mieux que de simplement habiller le texte qui les accompagne, elles participent plutôt à la construction d’un véritable dialogue avec le texte et enrichissent le propos avec de nouvelles propositions de lecture.
Largement reconnue en Suisse pour ses livraisons régulières dans la presse romande : Le Nouveau Quotidien, L’Hebdo, Femina… Albertine a désormais pris un peu de recul avec le rythme effréné que les médias imposent et se concentre davantage sur sa création personnelle. Parmi ses nombreuses publications destinées à la jeunesse, nous pouvons citer certains des titres parmi les mieux diffusés en francophonie et dans le monde : la série des Marta, Le Génie de la boîte de raviolis, Les Oiseaux, Les Gratte-ciel, Ligne 135, tous publiés à la Joie de lire. Pour ses livres Albertine a reçu entre autres prix, le Jeunesse et Médias en 2009, le Sorcière en 2011 et le New York Times Book Review Best Illustrated Book en 2012. Elle figure dans la sélection du prochain prix Hans Christian Andersen.
Albertine expose très régulièrement : Genève, Lausanne, Paris, Rome, Valence… Cela lui donne l’occasion d’offrir au public une facette plus intimiste de son travail. Objets, carnets, sérigraphies, peintures sur bois, lithographies, xylographies, gouaches…
Germano Zullo